L’attaque lancée vendredi par Israël contre l’Iran, vise notamment à empêcher la République islamique de se doter de la bombe atomique
Si les Israéliens « disposent d’un renseignement extrêmement précis » pour viser les installations nucléaires, ils ne sont pas dotés de bombes anti-bunker suffisamment puissantes pour détruire les structures souterraines.
Seuls les Etats-Unis, avec leur « super-bombe » GBU57, pourraient « si ce n’est détruire, au moins endommager sévèrement ces sites », relève Etienne Marcuz, chercheur associé sur les systèmes stratégiques et la dissuasion nucléaire, à la Fondation pour la recherche stratégique.
S’il convient de « rester prudent à ce stade », Etienne Marcuz souligne toutefois que « l’attaque menée par Israël depuis vendredi a été relativement efficace ».
Mais l’État Hébreu a-t-il véritablement les moyens de neutraliser tous les sites nucléaires iraniens ? « C’est certainement un vœu pieux », reconnaît auprès de 20 Minutes le chercheur associé sur les systèmes stratégiques et la dissuasion nucléaire, à la Fondation pour la recherche stratégique, Etienne Marcuz.
« Pas capables de taper des sites profondément enfouis »
« Les Israéliens disposent d’un renseignement extrêmement précis, ce qui leur permet de cibler les infrastructures nécessaires au bon fonctionnement des installations nucléaires, je pense notamment aux infrastructures énergétiques, aux portes d’accès, aux bouches d’aération… Bref, tout ce qui permet de faire tourner un site en temps normal, poursuit le spécialiste. En revanche, aller taper les halls de centrifugeuses, ou les sites de stockage de missiles très profondément enterrés, ils n’en sont a priori pas capables, sauf à utiliser du nucléaire. »
Si le centre pilote d’enrichissement d’uranium de Natanz, dans le centre du pays, a été « détruit » dans sa partie en surface, ainsi que les infrastructures électriques, « rien n’indique qu’il y ait eu une attaque physique contre la salle souterraine » abritant la principale usine, a précisé ce lundi, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Même si « la coupure d’électricité pourrait avoir endommagé » les milliers de centrifugeuses qui s’y trouvent.
La GBU57, seule bombe pouvant détruire des bunkers très profonds ?
Israël ne dispose pas, semble-t-il, de la « super-bombe » nécessaire pour détruire les installations fortifiées de Natanz et Fordo, enterrées à de grandes profondeurs en Iran. « C’est pour cela que les Israéliens essaient à tout prix d’impliquer les Américains, car eux seuls à l’heure actuelle pourraient stopper le développement nucléaire iranien, poursuit Etienne Marcuz. Le site de Fordo, et peut-être même le site de Natanz, se situeraient désormais sous des mètres, voire des dizaines de mètres de béton renforcé, et seul l’armement américain permettrait, si ce n’est de détruire, au moins d’endommager sévèrement ces sites. »
L’US Air Force dispose en effet de la Massive Ordnance Penetrator (MOP) ou GBU57, une bombe de 13,6 tonnes, capable effectivement de détruire des bunkers très profonds, et qui ne peut être larguée que par les bombardiers furtifs B2. Les bombes israéliennes utilisées à la destruction des bunkers ne pèsent, elles, « que » 2,8 tonnes. Mais même avec ces « super-bombes », « cela demanderait tout de même une campagne de bombardement relativement conséquente de la part des Etats-Unis » pointe Etienne Marcuz.
Le spécialiste rappelle que « cela fait près de 30 ans que les Iraniens se préparent à une attaque israélienne, et qu’ils conçoivent leurs sites en fonction, ils ne vont donc pas être faciles à neutraliser. »
« Course contre la montre »
Le site de conversion d’uranium et de recherche d’Ispahan [qui sert à la conversion d’uranium en gaz qui doivent ensuite être introduits dans des centrifugeuses pour produire de l’uranium enrichi], semble cependant « avoir été davantage touché que les autres », poursuit Etienne Marcuz. Ce complexe renfermerait d’importantes réserves d’uranium hautement enrichi, sans que l’on sache ce qu’il en est advenu. Pas de quoi de toute façon remettre en cause le programme iranien, estime le spécialiste. « Ils disposent d’un tel stock d’uranium enrichi [on parle de 400 kg] que ce n’est pas cette usine qui va handicaper leur production. »
Même s’il convient de « rester prudent à ce stade », Etienne Marcuz souligne toutefois que « l’attaque menée par Israël depuis vendredi a été relativement efficace ». « Cela fait des décennies qu’Israël s’entraîne à mener ce genre de frappes, très précises. Mais tout l’enjeu va être de tenir dans la durée, car outre l’arsenal nucléaire, les Israéliens visent aussi les véhicules de lancement iraniens, ce qui consomme énormément de potentiels, sachant que ce sont des actions qu’ils doivent mener à plus de 1.000 kilomètres de leur territoire, ce qui veut dire, potentiellement, des ravitaillements en vol… » Bref, « ils ne vont pas pouvoir faire cela pendant des mois. »
Côté Iranien, qui aurait déjà consommé quelque 350 missiles depuis le début du conflit, l’enjeu va être de ne pas épuiser trop rapidement ce stock de missiles. « Si l’Iran arrive à préserver son capital de missiles, il pourrait potentiellement ressortir ses véhicules de lancement de ses bunkers souterrains, lorsque Israël ne sera plus à même d’occuper l’espace aérien avec ses chasseurs », poursuit Etienne Marcuz. Pour les deux belligérants, « c’est un peu une course contre la montre. »
Alhassane Djaffa pour Yimbayanews.com